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samedi 21 novembre 2015




La vérité nue , on a beau la chercher , elle fait tout pour se dérober à nous . Quoi qu'on fasse, elle s'enveloppe d'un voile pudique et ne nous laisse, comme trace de son passage,  que les pièces d'un puzzle organique qui sans cesse se modifie et défie notre entendement.

Pourquoi , d'ailleurs, vouloir à tout prix  l'appréhender au singulier , nous qui sommes une multiplicité d'individus à l'identité multiple au cours de notre vie ? A chacun sa vérité , faudrait-il dire. Et il en est peut-être mieux ainsi . Car comment ne pas succomber à la nausée quand on la dépouille de ses oripeaux mensongers ? Où trouver la force de surmonter  la répugnance qu'elle nous inspire quand elle nous offre le spectacle obscène de son corps en décomposition avancée ?
 
A vrai dire , on ne désire pas vraiment la connaître . On la fuit , même , plutôt qu'elle ne nous fuit. Et c'est là la seule vérité qui tienne. On s'accommode très bien de ses simulacres , des masques qu'elle prend plaisir à porter pour mieux nous tromper . Ses sourires , ses belles paroles nous font croire que la réalité n'est pas si intolérable que ça .

Un jour ou l'autre, pourtant, il faut bien que le rideau tombe. Acta fabula est ! Le hasard joue si bien aux dés . On prend soudain  le temps de se regarder dans le miroir sans fard . Et on ouvre les yeux sur ces regard fuyants qui nous entourent, ces propos aberrants , ce théâtre de faux-semblants dans lequel on jouait le rôle principal tout en croyant n'être qu'un figurant .

On se dit alors que l'espèce humaine est une calamité, on se reproche d'avoir été si naïf aussi . Mais au bout du compte , on finit par s'en féliciter. Car ce temps qu'on a passé à se laisser séduire par cette vérité grimée  a été un temps béni . D'abord parce que nous avons baigné dans la sérénité, ensuite parce que , grâce à lui , nous parvenons enfin à agencer les pièces manquantes du puzzle de notre identité.

samedi 14 novembre 2015

Nous sommes bien peu de choses sur terre . On a souvent tendance à l'oublier . Ce n'est qu'en des circonstances dramatiques que soudain nous est rappelée la précarité de notre existence, notre vulnérabilité physique tout autant que psychique, nous qui  ingérons à longueur de journée des maximes vitaminées mensongères qui proclament notre invincibilité .
 
Que celui qui ne s'est pas vanté de posséder en lui les armes pour conquérir le monde me jette la première pierre ! On nous enseigne que nous sommes maîtres de notre destin; que vouloir, c'est pouvoir; que nous possédons en nous les clés de la félicité et de la réussite. Harnachés de pensées positives, nous avançons d'un pas décidé, le corps discipliné et l'esprit galvanisé, prêt à en découdre avec quiconque entravera notre chemin.

Mais nous oublions que la vie n'est qu'un château de cartes. Que nos constructions ne sont qu'éphémères et que nos passions nous conduisent inévitablement sur le chemin de la Passion christique. Nos réussites ne sont que l'envers de nos échecs, et nos unions , qu'elles soient amicales, conjugales ou professionnelles finissent toujours, tôt ou tard, par des séparations .

Si nous naissons un jour à nous-mêmes, ce n'est que pour saisir notre impermanence en ce monde , notre proximité ontologique gênante avec les choses inertes qui nous entourent, une fois que le souffle divin qui nous anime nous aura été dérobé. Oui, nous sommes décidément bien peu de choses sur terre. Nous avons beau marcher la fleur au fusil , nous ne serons jamais que de la chair à canon pour ceux qui tuent et meurent pour des idées car ils sont trop lâches pour avouer qu'ils ont perdu le combat contre eux-mêmes.

dimanche 25 octobre 2015




Raconte-moi une histoire! Telle est l'injonction que l'enfant donne à l'un de ses parents quand la nuit tombe et qu'il est temps pour lui de se coucher . Comme si ce rituel était le passage obligé de la veille au sommeil , un moyen comme un autre de conjurer la plongée aussi nécessaire que terrifiante dans l' inconnu nocturne.

Car cette suspension provisoire de la conscience , cette mise entre parenthèses de la vie n'est que la préfiguration du néant à venir , de celui dont l'enfant a le pressentiment avant même qu'il n'ait affecté son environnement immédiat . La mort , même s'il n'en a aucune connaissance physique, sait ne pas se faire oublier en s'affichant avec ostentation dans les médias . Elle s'étale en gros titres sur les journaux , en bannières sur nos écrans .Elle se venge de son impopularité en s'invitant , comme la fée Carabosse, au baptême des nouveaux-nés mais aussi à toutes les festivités .

Elle nous raconte toujours la même histoire , en somme . Quoi qu'on fasse , elle a toujours le dernier mot . C'est une romancière hors-pair, irriguant ses intrigues de suspense , se nourrissant sans cesse de l'effet de surprise qu'elle produit . Elle est toujours là où on ne l'attend pas . Et c'est pourquoi elle nous fascine , tout autant qu'elle  nous terrifie . Jeunes , vieux , tout le monde y passe . Seul son mode opératoire varie .

Femme fatale , faucheuse hideuse , l'iconographie l'embellit ou l'enlaidit. Que lui importe l'apparence qu'on lui donne . Elle ne se donne jamais à voir . Sans substance , et pourtant consubstantielle à notre existence , elle n'est pas à un paradoxe près . Elle ourle nos songes de l'appréhension qu'elle nous inspire et alimente nos fantasmes d'anéantissement les plus fous .

 L'histoire que l'on raconte au jeune enfant la met en scène aussi . Mais ce n'est pas n'importe quelle histoire . Elle se situe toujours dans des contrées lointaines et des temps reculés , comme si l'on voulait l'exorciser en la circonscrivant à un cadre spatio-temporel bien délimité.

C'est pour cela que l'enfant la réclame , chaque soir, son histoire , et que plus tard , il s'en racontera lui-même , des histoires , aussi  abracadabrantes que celles de sorcières et de sortilèges , dans la tentative de rompre les maléfices de la vie et repousser  la part grandissante d'obscurité en lui .

samedi 3 octobre 2015



Il est une question qui nous taraude toute notre vie, depuis nos premiers pas sur la scène du langage jusqu'à notre sortie de scène finale , qu'elle soit lente ou brutale. Cette question, c'est celle du pourquoi.

L'enfant , quand il découvre le monde  physique qui l'entoure et tente de le comprendre , nous harcèle de ses interrogations constantes , cherchant par là-même à se rassurer tout autant qu'à poser la première pierre du château branlant de ses connaissances . Nous sommes , à ce stade , en mesure de lui apporter la  réponse qu'il attend  , vu le faible degré d'abstraction que celle-ci requiert . Il est en effet à notre portée de lui expliquer la raison pour laquelle un être humain a besoin d'air pour vivre , et un poisson d'eau . 

Là où nous risquons de perdre pied et boire la tasse , c'est quand surgissent dans son cerveau en construction les premières  questions existentielles relatives à notre durée de vie limitée sur terre . Pour couper court à une investigation poussée , on s'entendra  lui dire que si grand-mère n'est plus chez elle , c'est parce qu'elle est montée au ciel . Et l'on s'en mordra les doigts ensuite quand il nous dévisagera  d'un air sceptique , car pourquoi  grand-mère saurait-elle donc voler , alors que lui ne le pourrait pas  ?

C'est en  lui cachant  la vérité sur notre finitude que l'on prend  vraiment conscience de notre incapacité à résoudre les équations métaphysiques qui codent nos existences. Pourquoi devons-nous donc mourir ? Pourquoi devons-nous donc souffrir ? Pourquoi un plus un ne fera   jamais deux pour certains , mais continuera de faire toujours un plus un ?  Pourquoi ?

Certes la religion et les mythes nous apportent quelques lumières sur l'origine du monde . Ils comblent les hiatus que la science ne parvient pas encore à expliquer . Mais si nous aimons tant croire aux histoires qu'ils nous racontent , si nous  nous satisfaisons depuis des millénaires de ces versions de la Création bien qu'elles défient l'imagination  , n'est-ce pas dans la mesure où elles masquent  notre incompréhension anxieuse des mystères du monde ? En fin de compte , nous ne serions pas moins naïfs que l'enfant qui feint de croire au ciel pour repousser l'idée qu'il finira un jour sous terre.

dimanche 20 septembre 2015

"Ça n'arrive pas qu'aux autres!". Cette phrase , on se l'entend dire quand il est déjà trop tard , que le destin a frappé à la porte de notre corps et de notre âme pour en renverser l'équilibre et nous obliger à nous confronter à nous-mêmes , avec toute l'angoisse et le désarroi que cela implique. C'est la prise de conscience fulgurante  de notre impuissance face aux choses de la vie , la déchirure du voile serein qui recouvrait le réel et qui aboutit à un déchirement moral souvent brutal . 


Qu'il s'agisse d'un vol ou d'un viol , d'un divorce ou d'un deuil , d'une maladie ou d'un accident , nous avons soudain le sentiment  d'être  injustement malmenés par les circonstances , de n'avoir pas mérité ce qui nous arrive , que la vie est assez dure comme ça  pour ne pas encombrer notre horizon d'obstacles qui entravent notre élan.


Il serait plus sage de se demander pourquoi on n'y a pas pensé avant , pourquoi l'on a fait preuve de tant de naïveté dans ce domaine alors qu'on manifeste tant de sagacité dans d'autres . Si ça arrive aux autres , ne sommes-nous pas nous-mêmes les autres des autres ? D'où vient notre prétention à vouloir être  préservé des préjudices subis par notre prochain ? Est-ce à dire que ce dernier , lui , a une prédisposition plus grande au malheur que nous, et qu'il est donc tout désigné pour jouer le rôle de  la victime expiatoire ? 


On se rappelle notre air fataliste quand telle ou telle de nos connaissances avait subi un coup du sort . On se souvient d'avoir prononcé des paroles comme : il ( elle ) n'a pas de chance ! Il ( elle ) est né(e) sous une mauvaise étoile! En disant cela , on tentait ainsi de s'immuniser contre le malheur , lui assigner une sphère d'influence éloignée de notre existence  , en en rejetant  la faute aux astres . 


L'on aurait dû plutôt y voir un signe annonciateur de notre avenir prochain , s'estimer chanceux d'avoir été épargné jusque-là , et se préparer non plus seulement au meilleur mais aussi au pire . La chute , qu'elle arrive tôt ou tard , sera inévitable . Alors pour lui ôter son caractère redoutable , autant l'anticiper pour mieux l'apprivoiser . Et remercions les autres de nous avoir enseigné , sans le vouloir , que si nous ne sommes pas des dieux, nous n'en sommes pas moins des hommes.

dimanche 13 septembre 2015

Un gros plan sur un enfant couché sur le sable , sur une plage huppée , un beau matin d'été . Non, ce n'est pas le Lido de Venise et ce n'est pas non plus Tadzio. Mais le petit garçon est tout aussi élégant . Son polo rouge, son bermuda bleu , ses mocassins de cuir brun lui donnent un air de Petit Prince au pays des embruns .

On sent qu'il a été aimé , on sait qu'il sera aimé du monde entier maintenant qu'il n'est plus de ce monde . Les vagues l'ont englouti , et avec lui tous nos espoirs de le voir grandir un jour . La mer, honteuse d'avoir perdu son bras de fer avec la mort , l'a déposé sur le rivage dans un linceul d'écume .

Il repose là, inerte , comme un nouveau-né endormi , le visage enfoui dans le sable . On ne veut pas croire qu'il ne se réveillera plus . Son petit corps bien nourri semble encore plein de vie . On devine ses rires , ses yeux émerveillés quand il a découvert la mer et l'esquif qui allait lui être fatal. On veut oublier sa peur et ses pleurs . Ses cris aussi.

Ce qui nous poursuivra tant que notre mémoire gardera trace de cette image de lui , c'est cette horizontalité dérangeante , cette confusion entre sommeil et absence de vie. Un enfant qui dort, c'est un enfant qui vit . Un enfant qui gît est un enfant sans vie.

On lui en veut , à la mort , de nous avoir trompés en copiant aussi bien la vie . On s'en veut surtout d'avoir été assez naïfs pour croire qu'un enfant allongé ne peut forcément que dormir , et ne jamais mourir.

samedi 22 août 2015


Si la curiosité est un vilain défaut , force est de constater qu'une quantité croissante d'objets de curiosité s'exhibent sur la Toile pour faire leur  numéro de cirque sous le chapiteau électromagnétique . Exit les profils de camée aux traits réguliers et les plastiques aux proportions bien calibrées ! Exit aussi les vies bien rangées et les parcours professionnels sans aspérité . Ce qui fait l'unanimité , ce sont les it-girls camées — à force d'inhaler des lignes de coke immaculée; les call-girls se rachetant une virginité — en défendant la cause des animaux martyrisés;les gangsters politisés —qui financent des galas de charité.

 Mais ce qui recueille le plus de suffrages ces derniers temps , c'est ce qu'on appelle le   "coming out " , autrement dit la révélation , par une personnalité publique , de son orientation sexuelle,  pourvu qu'elle ait été jadis réprouvée par la bonne société . Alors qu'autrefois, il était fortement déconseillé de  s'épancher sur son intimité, aujourd'hui, toute déclaration en ce sens vaut, à celui qui la fait, d'être panthéonisé. Les médias sont la nouvelle agora où l'on parle sans embarras de ses ébats .

En tête de gondole, la transsexualité qui vient de supplanter l'homosexualité, banalisée récemment par une loi. Grâce aux avancées de la chirurgie esthétique, il est désormais possible de se doter ou de se délester de ses parties génitales si l'on veut faire un pied de nez à Dame Nature. Sautez le pas publiquement, et vous serez louangé comme un héros , et non vilipendé comme un apostat! Ce qui restait l'apanage de la communauté péripatéticienne sylvestre des abords de Paris ( i.e les travailleurs du sexe Brésiliens du bois de Boulogne ) s'est soudainement propagé au milieu artistique de la variété  où , comme chacun sait ,  l'originalité est survalorisée. Le Nec plus ultra, c'est d'arborer la barbe d'un bûcheron sur le décolleté plongeant d'une robe à volants.

Autres fous du volant dans cette course endiablée, les Satanas et Diabola à la sexualité débridée. La conversion à la transsexualité demande, il faut l'avouer, des sacrifices financiers qui peuvent décontenancer les moins fortunés, tandis qu'échanger sa partenaire dans des lieux consacrés, c'est participer, à l'échelle du sexe, à l'économie collaborative tant vantée. Si l'on est politicien néanmoins, cela peut vous coûter votre carrière, d'autant que vous serez victime de " outing" un jour ou l'autre : vos mœurs légères seront étalées dans tous les médias et vous perdrez, de ce fait, partie de votre électorat .

Pour faire son " coming out" en tant que célébrité , il faut donc s'assurer que le jeu en vaille  la chandelle . Pour ceux qui digèrent mal leur déclin en popularité , cela peut s'avérer une aubaine inespérée . C'est l'occasion de s'attirer une attention imméritée et de gagner un peu de visibilité .  Mais bon, si vous appreniez de leur bouche que vos it-girls préférées fréquentent des gangsters partouzeurs qui fricotent avec des call-girls transgenres, cela vous plairait - il vraiment ?