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dimanche 13 septembre 2015

Un gros plan sur un enfant couché sur le sable , sur une plage huppée , un beau matin d'été . Non, ce n'est pas le Lido de Venise et ce n'est pas non plus Tadzio. Mais le petit garçon est tout aussi élégant . Son polo rouge, son bermuda bleu , ses mocassins de cuir brun lui donnent un air de Petit Prince au pays des embruns .

On sent qu'il a été aimé , on sait qu'il sera aimé du monde entier maintenant qu'il n'est plus de ce monde . Les vagues l'ont englouti , et avec lui tous nos espoirs de le voir grandir un jour . La mer, honteuse d'avoir perdu son bras de fer avec la mort , l'a déposé sur le rivage dans un linceul d'écume .

Il repose là, inerte , comme un nouveau-né endormi , le visage enfoui dans le sable . On ne veut pas croire qu'il ne se réveillera plus . Son petit corps bien nourri semble encore plein de vie . On devine ses rires , ses yeux émerveillés quand il a découvert la mer et l'esquif qui allait lui être fatal. On veut oublier sa peur et ses pleurs . Ses cris aussi.

Ce qui nous poursuivra tant que notre mémoire gardera trace de cette image de lui , c'est cette horizontalité dérangeante , cette confusion entre sommeil et absence de vie. Un enfant qui dort, c'est un enfant qui vit . Un enfant qui gît est un enfant sans vie.

On lui en veut , à la mort , de nous avoir trompés en copiant aussi bien la vie . On s'en veut surtout d'avoir été assez naïfs pour croire qu'un enfant allongé ne peut forcément que dormir , et ne jamais mourir.

samedi 22 août 2015


Si la curiosité est un vilain défaut , force est de constater qu'une quantité croissante d'objets de curiosité s'exhibent sur la Toile pour faire leur  numéro de cirque sous le chapiteau électromagnétique . Exit les profils de camée aux traits réguliers et les plastiques aux proportions bien calibrées ! Exit aussi les vies bien rangées et les parcours professionnels sans aspérité . Ce qui fait l'unanimité , ce sont les it-girls camées — à force d'inhaler des lignes de coke immaculée; les call-girls se rachetant une virginité — en défendant la cause des animaux martyrisés;les gangsters politisés —qui financent des galas de charité.

 Mais ce qui recueille le plus de suffrages ces derniers temps , c'est ce qu'on appelle le   "coming out " , autrement dit la révélation , par une personnalité publique , de son orientation sexuelle,  pourvu qu'elle ait été jadis réprouvée par la bonne société . Alors qu'autrefois, il était fortement déconseillé de  s'épancher sur son intimité, aujourd'hui, toute déclaration en ce sens vaut, à celui qui la fait, d'être panthéonisé. Les médias sont la nouvelle agora où l'on parle sans embarras de ses ébats .

En tête de gondole, la transsexualité qui vient de supplanter l'homosexualité, banalisée récemment par une loi. Grâce aux avancées de la chirurgie esthétique, il est désormais possible de se doter ou de se délester de ses parties génitales si l'on veut faire un pied de nez à Dame Nature. Sautez le pas publiquement, et vous serez louangé comme un héros , et non vilipendé comme un apostat! Ce qui restait l'apanage de la communauté péripatéticienne sylvestre des abords de Paris ( i.e les travailleurs du sexe Brésiliens du bois de Boulogne ) s'est soudainement propagé au milieu artistique de la variété  où , comme chacun sait ,  l'originalité est survalorisée. Le Nec plus ultra, c'est d'arborer la barbe d'un bûcheron sur le décolleté plongeant d'une robe à volants.

Autres fous du volant dans cette course endiablée, les Satanas et Diabola à la sexualité débridée. La conversion à la transsexualité demande, il faut l'avouer, des sacrifices financiers qui peuvent décontenancer les moins fortunés, tandis qu'échanger sa partenaire dans des lieux consacrés, c'est participer, à l'échelle du sexe, à l'économie collaborative tant vantée. Si l'on est politicien néanmoins, cela peut vous coûter votre carrière, d'autant que vous serez victime de " outing" un jour ou l'autre : vos mœurs légères seront étalées dans tous les médias et vous perdrez, de ce fait, partie de votre électorat .

Pour faire son " coming out" en tant que célébrité , il faut donc s'assurer que le jeu en vaille  la chandelle . Pour ceux qui digèrent mal leur déclin en popularité , cela peut s'avérer une aubaine inespérée . C'est l'occasion de s'attirer une attention imméritée et de gagner un peu de visibilité .  Mais bon, si vous appreniez de leur bouche que vos it-girls préférées fréquentent des gangsters partouzeurs qui fricotent avec des call-girls transgenres, cela vous plairait - il vraiment ?

mercredi 12 août 2015

On parle beaucoup d'intégrisme religieux de nos jours en pointant du doigt l'asservissement répugnant auquel il contraint les femmes , mais on omet de dire qu'il en existe un , tout aussi contemptible, qui se répand comme une traînée de poudre dans notre société : l'intégrisme féministe . Le mors aux dents, les adeptes de cette idéologie extrémiste crient haut et fort leur mépris de l'homme, sans penser que leurs actions d'éclat ternissent plus l'aura des femmes qu'elles ne la rehaussent...

Dans cette guerre sans merci qu'elles livrent aux bataillons de mâles alpha censés imposer leur loi , elles usent et abusent de leur arme principale : leur corps . Loin de proposer d'elles l'image d'un corps susceptible de susciter le désir , elles exposent sur la Toile , dans un geste de provocation puérile, leurs imperfections ou dégradations physiques . Que ce soit l'ablation de leur sein ( mastectomie), la dépigmentation de leur peau ( vitiligo) , leur amblyopie , leur bec de lièvre ou leur triple menton , elles n'ont de cesse d'offrir à la société connectée une vision dérangeante de leur féminité . 

Support indispensable à la diffusion de leurs revendications : le web 2.0. Grâce à l'immédiateté et la disponibilité planétaire de l'information qu'elles véhiculent , les diverses plateformes des réseaux sociaux se font vite l'écho de leurs actions , ou pire , de leurs exactions. Car non contentes de s'exhiber graphiquement dans les positions et situations les moins avantageuses, ( maculées de sang menstruel ou constellées de vergetures , pour n'en citer que deux ), les plus enragées d'entre elles s'en prennent aux institutions de notre démocratie . C'est la nouvelle révolution des sans-culottes ....au sens propre.

Oui, pour attirer l'attention des médias , elles ne font pas dans la dentelle . Pas de fanfreluche! A bas les silhouettes de portemanteau glamourisées sur les catwalk! Elles ne veulent pas séduire , elles! Leur visée est juste de punir ceux coupables de préférer le beau au monstrueux. Aussi elles leur infligent le spectacle de leur nudité en pensant les guérir de leur lubricité . C'est ce qu'on appelle de la naïveté caractérisée. Si elles avaient étudié le comportement de leurs boucs-émissaires masculins euphorisés par les sextapes de certaines fakes de la télé-réalité , elles se seraient peut-être ravisées ...

Comme par contamination , cet ultraféminisme dévastateur métastase notre culture populaire et se propage  à grande vitesse dans les arts visuels. Que ce soit dans les films, les clips , ou les publicités , le personnage féminin incarné est bien loin des stéréotypes de la femme au foyer . Entre  la superhéroine steroidée et la dominatrice en latex , le cœur des réalisateurs balance . En conséquence , il est désormais indécent de montrer de l'affection à son compagnon , au risque d'être taxée de haute trahison . Pour être une femme digne de ce nom , il faut impérativement lui damer le pion et l'utiliser uniquement en cas de besoin sexuel pressant.

Si on ne l'excuse pas , on comprend mieux que certaines femmes préfèrent se soumettre aveuglément à un mâle dominant plutôt que de jouer le rôle de la castratrice en jupons. A force d'excès , celles qui veulent tant revaloriser le statut de la femme lui causent beaucoup de tort . Que dirions-nous si les hommes partaient à leur tour en croisade et se pavanaient sur la Toile en tenue d'Adam , se glorifiant de leur calvitie et de leur ventre bedonnant ? Ils ne feraient que susciter notre compassion , et au pire , notre abjection . Restons esthètes ! Aimons le beau tout en acceptant le laid . Mais surtout aimons-nous les uns les autres!

mardi 4 août 2015







Les vacances, elles se méritent . Elles exigent de nous un sens de l'organisation pointu tout autant qu'une force mentale aiguë, surtout si l'on décide d'explorer les continents lointains. Le seul moyen de locomotion envisageable dans ce cas étant l'avion, nous ne pouvons évidemment  faire l'économie d'une préparation matérielle minutieuse  ( la sacro-sainte corvée des bagages)  mais aussi, on a tendance à l'oublier, psychologique .

Comme chacun sait, en amont de toute migration aérienne , nous incombe la lourde tâche  de rassembler nos  effets personnels, qu'ils soient utiles ou  futiles, et de les comprimer dans une valise à la taille malheureusement incompressible. Cela fait des décennies que l'on attend que le concours Lépine récompense le concepteur du bagage rétractable et à géométrie variable, mais apparemment , les inventeurs en herbe privilégient les activités de la sphère domestique aux dépens de celle des loisirs.

 Pas du tout sérieux, ces gens ingénieux .  Des nostalgiques d'Inspecteur Gadget, à moins qu'ils ne vouent un culte à l'inventif Q, sans qui James ne serait pas Bond. Car qui peut me dire l'intérêt que peut susciter un système de repassage vapeur intégré dans un miroir mural pivotant , ou un dispositif pour enlever les bas et les chaussettes sans se baisser? Gageons que nous avons affaire à des phobiques du déplacement géographique , qui préfèrent le voyage immobile devant leur établi à celui, plus risqué, par la voie des airs.

Le mot " risqué", d'ailleurs, n'est pas galvaudé. Prendre l'avion , de nos jours, n'est pas exempt de dangerosité. On n'est jamais à l'abri d'une erreur de pilotage ou pire, d'une prise d'otages qui tourne mal. Dans les deux cas , on monte  au ciel plus tôt que prévu. Risqué aussi au sens où , si l'on arrive indemne à bon (aéro)port, on peut cependant atterrir en miettes. Nerveusement parlant.

Certes, on peut dorénavant choisir son siège et se délecter à l'avance de  pouvoir contempler le paysage ,la tête dans les nuages. Mais ce plaisir esthétique peut vite être gâté par la proximité génante  d'un passager particulier.  Un bébé , par exemple , dont les vagissements pourront vous faire regretter d'avoir choisi l'Océan Indien pour destination . Une heure, passe encore . Mais dix heures ! Fort heureusement , les chances de devoir ruser et faire risette à  ce type de passager  se sont raréfiées dans nos contrées . C'est peut-être le seul cas où l'on apprécie la baisse du taux de natalité .

Mais ce serait trop beau si la liste des doléances s'arrêtait là. Pensez à la patience que vous devez déployer, et l'énergie que vous devez dépenser rien que pour gagner les WC ! Enjamber votre voisin en prenant soin de ne pas vous luxer le genou ( j'en parle en connaissance de cause ...) , éviter de télescoper des individus non identifiés  quand vous empruntez l'étroite allée, et surtout vous boucher les oreilles quand vous actionnez la chasse d'eau assourdissante une fois que vous vous êtes soulagé...

Mais ce que j'appréhende le plus et qui me fait relativiser les turbulences abominables , les flatulences abdominales, les sifflements auriculaires , et les tempéraments atrabilaires, c'est, une fois l'avion posé, la fébrilité à ouvrir les coffres à bagages manifestée par les autres participants de cette expédition . Comme s'ils craignaient d'avoir été dévalisés en cours de vol par une brigade nuisible de malfrats invisibles .

Je vous épargne l'attente interminable avant de s'extraire de l'habitacle, et celle encore plus insoutenable devant le tapis à bagages. Ne parlons pas des valises égarées ou embarquées par erreur par un passager perturbé par les péripéties rencontrées . Bref , vous l'aurez compris , mieux vaut faire le plein de sérénité avant de vous engouffrer dans la carlingue d'un long-courrier , ou tout simplement espérer qu'un jour, le rêve de téléportation devienne réalité . Mais alors, les vacances n'existeraient plus , car quitte à se téléporter, on choisirait de ne jamais plus revenir sur terre . Car, ces derniers temps , c'est devenu l'enfer, et on n'attend plus qu'une chose, c'est de finir au paradis !

dimanche 12 juillet 2015



Aux différents âges de la vie correspondent des aspirations différentes . Enfant , on attend avec impatience de conquérir sa liberté et de s'affranchir de la tutelle parentale , jugée souvent trop pesante . Adulte, on regrette d'avoir eu à payer cette liberté tant convoitée par le fardeau de responsabilités encore plus pesantes. Plus tard encore , alors qu'on est sur le point d'être déchargé du poids de la vie et que l'on se retourne sur la trajectoire parcourue, on se prend à imaginer quelle trace nous laisserons une fois que nous serons partis . 

Laisser une trace , chacun y parvient à sa manière . De façon immatérielle , d'abord. Nous abandonnons à ceux qui restent des malles de souvenirs , qu'ils soient bons ou mauvais. La mémoire se charge du travail . Des images , des parfums, des inflexions de voix. Des moments partagés . La mort a beau effacer notre présence physique , elle ne parvient pas à gommer l'empreinte singulière que nous déposons involontairement dans l'esprit de ceux qui nous côtoient de loin ou de près .

Des traces matérielles aussi . Les héritages , avec leurs lots de bric-à-brac , sont les témoignages de notre personnalité , de notre intimité , de notre passé . Ils sont la preuve tangible de notre passage sur cette terre . Une fois dispersés , ces objets qui apportaient à notre quotidien leur dose de rassurante proximité perdent leur spécificité. Ils sont comme orphelins , arrachés au tout organique que formait notre foyer , forcés de cohabiter sous des toits étrangers avec d'autres éléments de mobilier. 

Bien sûr , pour les plus doués d'entre nous , qu'ils soient génies , héros ou artistes , l'héritage sera d'une autre qualité . Leur nom sera inscrit au frontispice du temple de de la postérité . Ils traverseront les siècles auréolés de gloire . Leurs actes seront chantés par les aèdes 3.0 dans les pépinières luxuriantes des réseaux sociaux . Quant à leurs œuvres , jusque là cantonnées dans des musées , elles auront peut-être le privilège de garnir les logis des futures générations , ne serait-ce que par projection holographique . 

Parlons-en des hologrammes ! Ils ne sont pas si surréalistes que ça . Pensez aux travaux transhumanistes en cours pour uploader des cerveaux humains sur un ordinateur. D'ici 2050, aux dires de certains savants, nous pourrions bien avoir accompli un pas technologique de géant et survivre à notre mort en prenant corps  immatériellement par le biais de faisceaux laser  . 

Certes , l'idée est tentante , surtout pour les individus à l'ego surdimensionné. Mais qu'en est-il de la fonction haptique , pour parler cuistrement ? Qu'en est - il de la fonction tactile qui procure tant de bien- être à ceux que nous aimons , tout autant qu'à nous - mêmes ? L'esprit sans le corps n'est rien . Car il serait insensé  d'oublier que la plus belle trace que nous puissions laisser sur terre est celle d'un enfant que nous avons vu croître , et que nous armons ,chaque jour , de la légère cuirasse de notre amour pour affronter les vicissitudes de la vie . L'héritage le moins encombrant et le plus reconfortant que nous puissions lui léguer est le royaume de souvenirs édifié au cours du temps et dans lequel il ou elle flânera ,une fois que nous serons partis sans laisser de trace ...

jeudi 11 juin 2015


Tu ne me mérites pas ! Cette phrase claque comme un étendard au vent quand l'heure de la  séparation a sonné  , quand le canon tonne dans un ciel lézardé par les malentendus , les disputes , les trahisons peut-être . On la décoche comme une flèche empoisonnée , cette phrase . On lui prête des vertus létales . On espère qu'elle s'insinuera lentement mais sûrement dans la conscience de celui ou celle qui nous fait mordre la poussière , et  aussi redescendre brutalement sur terre .

On a bien essayé d'atteindre l'autre, qui se dérobe, par des tirs ciblés . Les reproches, c'est bien connu,  font partie de l'arsenal de tout belligérant qui refuse de céder une seule parcelle du terrain qu'il a occupé pendant un temps donné. Mais ce ne sont que des coups d'épée dans l'eau , des boomrangs qui nous blessent plus qu'ils ne blessent celui ou celle visé(é).  Car  les reproches engendrent inévitablement  les reproches. C'est le bouclier qu'utilisent les lâches quand ils se sentent cernés et qu'ils savent qu'ils n'ont plus rien à perdre . Remontent à la surface tous les non-dits , les colères enfouies , les frustrations subies tout au long de cette croisière à deux où l'on croyait éviter les pièges en haute mer et surtout gagner le paradis .

Le mal de mer nous saisit devant cette marée de vomissures que l'on nous jette à la figure . L'écœurement nous envahit .  L'effarement aussi . Fallait -il que nous connaissions si mal cet autre qui effaçait l'ardoise de nos angoisses et nous offrait chaque jour les gerbes du plus doux espoir ? C'est pourtant avec lui ,  avec elle que nous avons bâti le plus bel édifice de souvenirs , avec lui, avec elle que nous regardions l'avenir sans jamais plus  frémir , avec lui , avec elle, peut- être, que nous avons donné vie à un enfant chéri . C'est désormais sans lui, sans elle que nous devons parcourir les décennies à venir , c'est surtout contre lui, contre elle que nous devons nous dresser pour préserver notre propre estime et ne pas laisser sombrer notre instinct de survie .

Tu ne me mérites pas ! Derrière cette ultime parade verbale, se cache l'aveu de notre désespoir , de notre impuissance à contrer les caprices du destin . Car il serait plus juste de dire que l'on ne mérite jamais les coups bas de la vie , et moins encore ceux portés par celui ou celle qui l'a partagée avec nous , cette vie. Oui, personne ne mérite de souffrir ,et pourtant nous souffrons tous, à des degrés divers , que ce soit dans notre chair ou dans notre âme. Nous endurons le pire , sans l'avoir mérité, tout en aspirant au meilleur . Tel est le prix que nous devons payer pour accéder à notre sainteté , et à notre droit de vivre.

samedi 6 juin 2015



C'est bien connu, les événements sportifs internationaux sont souvent l'occasion de la cristallisation d'un sentiment patriotique sans précédent . Le reste du temps , on fait peu cas de son appartenance à telle ou telle nation . Pire encore ! Nous formulons des reproches à l'encontre de notre terre nourricière et faisons curieusement l'éloge de ceux ayant eu la chance de naître hors de nos frontières . Heureusement que les compétitions attisent le feu de notre combativité et ravivent les flammes d'un chauvinisme passablement écorné. Quelle que soit la discipline sportive concernée, nous nous sentons tous épris de solidarité  et opposons une cohésion farouche à l'ennemi juré qui ose nous défier .

 Que l'on se rappelle l'engouement que la coupe du monde de football avait suscité en 1998  . Moi-même, peu adepte en temps normal du ballon rond , avais-je été conquise par les prestations de ces divinités du gazon , dont la vélocité et l'habileté pédestre n'étaient pas sans rappeler les prouesses du dieu Hermès . Soudainement la France entière n'avait d'yeux que pour les jeux de jambe de l'équipe tricolore qui osait voler la vedette aux Brésiliens jusque-là bénis des dieux olympiens.  Sur les épaules de nos onze héros reposait l'honneur de l'Hexagone .  Et leur victoire bien méritée a redoré le blason du coq gaulois dont la renommée commençait à péricliter .

La fibre patriotique est aussi palpable  chaque année sur le court Philippe Chatrier . Avec son ambiance de kermesse , sa large panoplie de produits dérivés , et sa pléiade de playboys sponsorisés  , Roland Garros devient la destination privilégiée des obsédés de la raquette du monde entier. Quinze jours durant , ce sont des milliers de spectateurs ultralookés qui  s'acheminent en procession vers l'enceinte sacrée où va se jouer le combat de Titans aux bras  ultramusclés .

Dès que l'on prend place sur les gradins , on mesure l'étendue médiatique de l'événement  . Écrans géants, hauts parleurs , cameras sur grue et sur rail ,  la démesure est a l'honneur . Après quelques échanges gentillets,  les joueurs rentrent vite dans le vif du sujet . Les balles fusent de part et d'autre à des vitesses extrêmes. On en a le mal de mer à tourner la tête sans arrêt . Les ramasseurs de balles fébriles nous donnent le tournis . L'arbitre qui glapit " faute " nous fait presque défaillir . Quand arrive la balle de match, on frôle le malaise vagal. On prie , on frémit , on bondit de joie aussi , et puis on applaudit , quelle que soit l'issue de la partie, car on a été content d'être venu soutenir son favori, et de s'être senti vibrer avec des milliers d'autres autour de cette arène ocre aux allures de Colisée romain où le destin a encore une fois voulu jouer au plus malin.