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dimanche 19 octobre 2014

On dit que tomber amoureuse est la meilleure chose qui puisse arriver. Moi qui en ai fait la récente expérience, je montrerai un peu plus de prudence dans mes affirmations. Si ce n'est pas la pire des choses qui soit advenue dans ma vie, c'est, en tout cas, de loin la plus risible.  Maintenant que ma folle passion repose outre-tombe, et que me revoilà dotée de toute ma raison, je suis donc en mesure de procéder à une dissection sans concession de cette "fameuse "relation.

Commençons par celui qui a fait les frais de mon exaltation. Bel homme, certes, aux charmantes proportions. Sa profession? Menteur. Sa vocation? Mateur.  Vous l'aurez compris, le bellâtre était l'incarnation de la perfection. D'ailleurs son air d'autosatisfaction sur la photo que je portais en médaillon avait allumé en moi des désirs bien polissons.

Que vous dire! Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point! Le fringant Apollon  avait tellement enflammé mon imagination que mon cerveau était en constante ébullition. L'excitation de mes sens était à son comble. J'assistais, tel Néron en proie à la jubilation , à l'embrasement de mes pulsions , alimentées par des fantasmes ultrapuissants . Et pour flatter l'ego du gai luron, je lui consacrai même des vers de mirliton , dont j'attends encore , soit dit en passant , la publication .

Que d'odes et d'élégies je composai pour lui! J'enviai Racine d'avoir mis, dans la bouche de Phèdre,  le flamboyant alexandrin qui, trois siècles plus tôt, avait si bien décrit mes impressions  : " Je le vis , je rougis , je pâlis à sa vue ." L'expert ès séduction me scrutait du regard, derrière sa paire de lorgnons , se demandant certainement si c'était du lard ou du cochon . Je le couvrais de baisers enfiévrés , le menaçais des pires tourments s'il s'avisait de repousser mes serments passionnés . Je me consumai, jour et nuit , corps et âme , pour un freluquet qui ne rêvait qu'aux ébats de Sasha Grey , alors que je lui infligeais mes débats sur la dualité de Dorian Gray .

Sa vie fut un enfer, la mienne un paradis . Il fut assez digne pour tout endurer de moi : mes imprécations , quand je le prenais en flagrant délit de dissimulation , aussi bien que les phases aiguës de mon adoration. Jusqu'au jour où mon envie se tarit et mon désir s'évanouit. Je mesurai alors sa désolante impuissance à combler mes attentes, et ses silences , que j'avais pris pour de la déférence, m'apparurent comme la signature de son indifférence.

Conclusion? L'introspection a ceci de bon qu'elle nous fait prendre conscience de nos hilarantes illusions et de notre  inclination innée à la romantisation. Explication? On nous élève au biberon de fictions regorgeant de fées et dragons , de princesses et donjons. Dès lors , quoi de plus normal que de prendre un motard à califourchon pour le plus bel étalon!

 Récapitulation: Plutôt que de prodiguer leurs soins à des bataillons de fanfarons , je conseille aux générations futures de femmes au bord de la pâmoison de protéger leur cœur d'une armure de plomb  et de partir en croisade contre Cupidon , qui les prend trop souvent pour de vulgaires pigeons .

vendredi 17 octobre 2014

L'Oncle Rhabdo vous connaissez? Eh bien , c'est le nom du fléau qui s'abat sur les accros du cross fit , dernier né des sports au pays de l'Oncle Sam. En deux mots , ce  gentil Tonton flingue vos muscles et bousille  même vos reins si vous poussez un peu trop le bouchon en matière d'entraînement physique .

Plus qu'une discipline sportive, le cross fit est un véritable supplice . Pour faire partie de l'élite du fitness ,  mieux vaut avoir le cœur bien accroché , et ne pas avoir peur de dégobiller. Il n'y a qu'à regarder la mascotte de l'activité en question pour  être vite mis  au parfum . Pukey the Clown ( le clown dégueulis)  nous fait rire jaune . On est loin d'Auguste , notre clown  hexagonal ,  qui , toutes générations confondues , met en branle nos zygomatiques à des fins cathartiques . Le cirque , c'est bien connu , purge nos passions au même titre qu'une tragédie antique .

Pukey , lui , veut nous en faire baver . Il veut nous prendre les tripes , nous donner la nausée , nous tordre les boyaux . Mauviettes , s'abstenir ! Car il ne s'agit pas seulement de sculpter son corps en effectuant push-ups et squats .Le clown diabolique a des visées bien plus ambitieuses , pour ne pas dire périlleuses . Il veut nous faire tâter de l'haltère , des barres de traction , de la corde et même du pneu... Oui, du pneu ... Rien que ça . Et pas n'importe lequel . Du pneu de moissonneuse-batteuse de préférence . Histoire de jouer les gros bras , et de déverser sa rage sur le bandage en caoutchouc à coups de marteau XXL.

L'inventeur de cette dernière technique serait-il donc un gros bourrin ? Aurait-il un contentieux à régler avec la firme Michelin ? Voudrait-il concurrencer les tambours du Bronx ? Je privilégie,  pour ma part , une autre hypothèse . Car la philosophie qui sous-tend ce melting-pot de pompes , tractions , flexions , grimper de corde , arraché, épaulé-jeté et soulevé de terre , pour ne citer que les principales figures imposées , est celle d'un dépassement de soi , d'une hubris propre aux héros tragiques qui veulent s'égaler aux Dieux de l'Olympe.

Or qui mieux qu'Héphaïstos n'incarne la divinité maniant le marteau et l'enclume !  L'image du crossfitter tapant comme un désespéré de son marteau de géant sur un  pneu , ne serait , dans ce cas , que la version grotesque du Dieu des Forges . On comprend mieux pourquoi il en coûte , à certains pratiquants de ces entraînements à haut risque , de se mesurer de façon aussi caricaturale au fils de Zeus et de Junon . L'Oncle Rhabdo avec sa panoplie de  bobos ne serait que la personnification burlesque  de Némésis , déesse implacable vengeant les Dieux des affronts des hommes présomptueux .

mercredi 15 octobre 2014

Il y a quelques décennies , le robot ménager lui avait permis d'économiser ses efforts dans le domaine culinaire . Ce seul appareil lui permettait de venir à bout des tâches les plus ingrates : couper , hacher , battre , mixer , pétrir  ou cuire . Aucun aliment , si coriace fût-il , ne pouvait résister à cet instrument de torture .

 Mais cela n'avait pas suffi à étancher la soif créatrice du gastronome en tablier . Il lui fallait aller plus loin , et obtenir un produit fini digne de concurrencer ceux des artisans les plus chevronnés . Une seconde génération d'appareils lui apporta la satisfaction tant recherchée . Yaourtières, sorbetières, machines à pâtes ou à pain , smoothie makers.  et que sais-je encore , vinrent auréoler ceux qui en faisaient usage du quart d'heure de célébrité warholienne lors de dîners fortement arrosés.

C'était sans compter la mise au point de la fabrication additive à l'aube du nouveau millénaire , qui allait doter l'homo sapiens d'un pouvoir jusqu'à présent inégalé. Celui de créer des objets matériels , du plus modeste  au plus gigantesque , grâce au système révolutionnaire d'impression tridimensionnelle .

D'abord cantonnée au domaine médical pour la mise au point de prothèses et d'implants, la voilà qui joue dans la cour des grands et se propose de concevoir avions et automobiles aux designs les plus futuristes . De quoi faire pâlir les manufactures de renom ! Moyennant un coût , pour l'instant  élevé , nous pourrons bientôt  jouer les apprentis sorciers et réaliser les joujoux vrombissants les plus fous .

 Et vivent les batmobiles ! L'on verra , dans les rues, au volant de super voitures , de faux super héros , aux pectoraux de silicone et au cerveau de chauve-souris , filer à toute allure pour retrouver leurs  bimbos aux implants fessiers et mammaires outranciers . Jetant négligemment leurs clés aux voituriers de cafés à la réputation plus qu'usurpée , ils grignoteront un en-cas imprimé en 3D , siroteront un smoothie concocté par un robot nouveau-né,  et se dégonfleront comme des baudruches  quand le garçon leur apportera une addition à la mesure de leurs prétentions démesurées.

jeudi 9 octobre 2014

Le nec plus ultra ces derniers temps aux USA, c'est de se passionner pour les clichés anthropométriques publiés dans les commissariats de police. Peu importe le délit commis. Il suffit que le ou la criminelle possède un fort potentiel érotique pour que les réseaux sociaux se déchaînent  et que l'on rêve d'aventures sans lendemain avec un Billy the Kid ou une Calamity Jane version 2.0.

Il faut dire que ce n'est que justice . Pris en otage que nous sommes par des bataillons de selfies duckface, nous nous devions bien, un jour ou l'autre, de tomber en pâmoison devant les frozen faces des photographies d'identité  judiciaire. On boude désormais les bouches en cul de poule, et on fait  les yeux doux aux mugshots des repris de justice, à condition qu'ils soient sexy.

 L'attrait pour les gangsters et criminels psychopathes n'est plus à prouver . De Clyde Barrow  à Charles Manson, la liste est longue de ceux qui ont enflammé la libido des ménagères en mal de rush d'adrénaline. Il faut les comprendre. Le frisson ressenti devant un épisode des Feux de l'Amour n'a rien de comparable à celui éprouvé à la lecture des casiers judiciaires des malfrats . Braquer une banque n'est pas donné à tout le monde. Tuer de sang froid non plus.

Sans compter que la mine glaciale des prévenus contribue à faire monter la température . Et pas seulement des dames , figurez-vous ! Les hommes connaissent aussi des pics de sérotonine à la vue de photos de face et de profil de délinquantes diaboliques . Qu'elles soient expertes en hold up, en homicides, ou en trafic d'héroïne, elles parviennent à leur donner une dose d'excitation plus forte que  leurs porn stars favorites .

Mais que leurs sages épouses se rassurent. Elles ne seront jamais dépouillées de leur sacrosaint lien conjugal par ces diablesses à la main leste . Ces messieurs auraient trop peur de se faire délester de leurs bas de laine pleins à craquer. Ils veulent bien se rincer l'œil et s'imaginer en train de cavaler, cheveux au vent,  aux côtés de ces délinquantes sans foi ni loi , mais ils en resteront là. Le fantasme , ça n'a pas l'air, mais ça n'a pas de prix !

samedi 27 septembre 2014

Ah, les soirées événementielles parisiennes!  Elles font rêver la terre entière ! Non pas tant pour les causes qu'elles défendent que pour les fastes qu'elles déploient .

D'abord le cadre. Il n'est jamais choisi au hasard. Rien n'est trop beau pour séduire des hôtes à la fortune prestigieuse. Éblouir, tel est le mantra! Les écrins aristocratiques sont les plus prisés. Ainsi châteaux, hôtels particuliers, palaces d'époque figurent au nombre des lieux les plus convoités . Les invités, il ne faut pas l'oublier, sont, dans leur majorité,  de simples roturiers. Certains se sont même taillé une réputation en cultivant la feuille de coca au fin fond de la Colombie. Alors, pour chasser de l'esprit l'idée qu'ils ont peut-être les mains sales, on prend des gants pour les accueillir. On les courtise assidûment , même si on les méprise profondément.

Question décor, on verse plutôt dans l'épure. Rien de mieux que les grands espaces vides. Pour tout mobilier , un canapé. On ne sait jamais. Il faut pouvoir ranimer la première victime d'une overdose de champagne millésimé. Car le bar à bulles ne chôme pas.  Il faut que ça pétille dans les coupes autant que dans les yeux.  À ce titre, une escouade de serveurs zélés glisse, avec l'aisance de patineurs confirmés, sur le parquet ciré.  Un ballet savamment chorégraphié .

Quant à l'assemblée, elle est aussi hétéroclite que les specimens d'un cabinet de curiosités.  On y croise des mannequins, aussi dégingandées que désargentées, accrochées à des gnomes vaniteux au compte bancaire excédentaire. Des créatures hyaluronisées , botoxées, et collagénisées , rescapées d'un parc zoologique et en passe d'être naturalisées. Des pseudo-artistes bizarrement accoutrés aux verres fumés spécial soirée. Et officiant derrière sa table de mixage, l'incontournable DJ, amateur de chansons vintage recyclées et décibélisees.

De quoi dérider l'assistance, me direz-vous. Eh bien, vous vous trompez. Elle est plutôt figée, l'assistance. On évite de rire...de peur des rides. Mais on sourit beaucoup, présence de photographes oblige. Il faut faire bonne figure pour avoir une chance d'être immortalisée sur papier glacé. L'argent que l'on a investi dans sa robe haute couture doit être au moins rentabilisé. Sans compter celui que l'on a dépensé pour soutenir la cause humanitaire de la soirée .

Au fait, quelle cause? Peu importe! Il y aura bien un maître de cérémonie pour rafraîchir les mémoires embrumées. D'ailleurs on l'appréhende, le fameux discours! Car à force de rester debout à prendre la pose et dévisager les autres invités, on commence à avoir drôlement mal aux pieds dans des stilettos de cryptofétichistes.  Et comme on s'interdit de poser son séant sur le canapé , la torture promet d'être illimitée .

Patience! Avant le prochain événement, on optera pour  un " Loub job". Gare au contresens! Cela ne veut pas du tout dire qu'on décrochera un job chez un certain Loub. Cela désigne simplement une injection de collagène sous les coussinets des orteils , et c'est tellement plus sexy qu'une semelle orthopédique. Après, on ne s'étonnera plus de s'entendre dire "quel pied ! ".

lundi 22 septembre 2014



Si l'amour a existé de tout temps, les rites qui lui sont associés ont évolué et pris, de nos jours, un caractère bien déconcertant. En guise de témoignage de sa flamme, l'amoureux transi gravait le nom de sa bien-aimée sur l'écorce d'un arbre. Avec la migration des populations rurales vers la ville et la raréfaction de la végétation, ce sont les bancs publics qui ont servi d'écritoire et d'exutoire à la passion. Jusqu'à ce que les grilles des ponts de certaines capitales n'excitent la convoitise des couples énamourés . 

Regardez le Pont des Arts à Paris! On peut dire qu'il porte bien mal son nom. Car quoi de plus inesthétique que la prolifération anarchique de ces "cadenas d'amour" qui l'encanaillent plutôt qu'ils ne l'ennoblissent. Sans compter que c'est de tous les coins du globe que des processions de tourtereaux migrent pour accrocher aux rambardes un cadenas supposé sceller leur amour. Les tonnes  de métal rajoutées ont tellement alourdi la passerelle autrefois si gracile qu'elle n'a pu résister au poids de tant d'effusions et a vu l'un de ses pans s'abîmer dans les eaux saumâtres de la Seine . 

Funeste présage! Serait-ce donc la manifestation du courroux divin?  Peut-être, après tout, Apollon, Dieu des Arts, a-t-il voulu marquer sa désapprobation devant la profanation de ce pont célébrant le pavillon des Arts du Louvre? Peut-être que Vénus n'a pas jugé décent qu'un vulgaire objet, d'un alliage aussi vil, soit utilisé pour célébrer le culte dont elle est la plus précieuse ambassadrice ? 

Pour ma part, je pencherais plutôt pour une autre hypothèse, celle dictée par la sagesse humaine, si tant est qu'il y en ait une. Comme le disait si bien Carmen , "l'amour est un oiseau rebelle que nul ne peut apprivoiser. Dès  lors, pourquoi vouloir le mettre en cage? Pourquoi s'évertuer à le cadenasser sur un ouvrage architectural qui trempe ses arches dans un fleuve aussi intrépide  que la Seine? Serait-ce un défi lancé à l'onde, élément le moins stable qui soit sur cette terre ? 

Apollinaire l'a pourtant bien perçue,  la qualité fugace et fugitive des sentiments humains . Grâce à lui,  le Pont Mirabeau, vivant tombeau de nos amours défuntes, ne connaîtra pas le sort de son cousin des Arts. Il a compris qu'aucune armure ne résiste à la labilité des choses de ce monde. Il sait que "L'amour s'en va comme cette eau Courante " et qu'il est vain de vouloir le retenir dans les rets de notre entêtement. Au lieu de cadenasser les ponts, verrouillons plutôt notre cœur. Il  n'en sera que plus préservé des errances de la raison et du miroitement des illusions dont, immanquablement, nous sommes le jouet quand nous tombons sous les coup de la passion . 

jeudi 18 septembre 2014

La solitude joue , dans notre vie , autant de personnages que nous possédons d'états d'âme . Tantôt adulée , tantôt anathémisée  , elle est notre amie tout autant que notre ennemie . Souvent elle tient le rôle de confidente pour nous accueillir dans ses bras et recueillir nos larmes . La pudeur nous engage à la convoquer : il est si obscène de vouloir étaler ses malheurs . Surtout ceux qui émanent du cœur . Elle est l'antichambre de notre douleur , la chambre mortuaire de nos amours exsangues  .

D'ailleurs , n'a-t-elle pas, pour qui la goûte,  la saveur de la mort ? N'est-elle pas la mise en bouche d'une autre solitude , pesante et mortifère , que l'on voudrait fuir mais qui sans cesse nous poursuit , une fois que l'âme sœur a déserté notre demeure ? Ce sentiment de vide qu'elle enfante en nous  , c'est celui d'une petite mort , nom pourtant attribué à la jouissance,  si éloignée d'elle de par son essence.  Car si c'est à une apothéose des sens que conduit l'extase charnelle, c'est à leur mise au tombeau qu'assiste , impuissant, l'amoureux éconduit .

De nos cinq perceptions , une seule est  épargnée.Et c'est bien là notre infortune . Car il n'y a pas plus mortifiant que d'être cloués au pilori de la vue , alors que notre souhait le plus cher est de fermer les yeux sur ce monde qui désormais nous indiffère .  En se dérobant à notre intimité , l'être aimé nous condamne à faire le deuil du toucher ( de son corps ) , de l'ouïe ( de sa voix ) du goût ( de ses lèvres ) et de l'odeur ( de sa peau ) .

Ainsi la solitude devient la convive inamovible de nos froides agapes , la compagne inviolable de nos nuits d'insomnie . Le téléphone s'épuise à sonner  dans le vide , le courrier n'est plus décacheté , les sorties sont évitées  , les amis ignorés. L'on se laisse apprivoiser par le silence , écrin et écran de nos souvenirs  où se redessinent les contours d'un bonheur perdu . Et l'on se dit que la solitude est féconde , qu'elle n'est pas aussi stérile qu'on le croit , que si nos sens sont en sommeil , notre mémoire est en éveil , et que tant qu'elle vibrera de nos émois passés , l'arc-en-ciel de l'espoir irisera notre avenir .