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vendredi 29 novembre 2013

Il faut bien le reconnaître , la notion de perte est inscrite de façon indélébile  dans la peau de chagrin de  l'existence  humaine . Qu'elle soit matérielle ou affective , personne n'y échappe . Mais perdre, cela ne veut pas toujours dire être perdant . D'où l'ambivalence du concept ,  sorte de Janus bifrons  , aigle bicéphale  qui plane au dessus de nos têtes et transforme  ses proies en phoenix renaissant de leurs cendres . Car paradoxalement, perdre, dans bien des cas , signifie aussi gagner .

Le deuil de notre  enfance est la première perte qui nous est infligée , biologiquement parlant . Personne ne peut s y soustraire .  D'abord la métamorphose de notre corps nous y contraint , bon gré , mal gré . Puis il faut nous astreindre  à "jouer" à l'adulte à un moment ou à un autre , même si nous n'en devenons jamais un, à proprement parler . L'accession à des responsabilités , qu'elles soient professionnelles ou familiales , nous expulse violemment et irréversiblement de ce "vert paradis " , ou , pour les plus malchanceux d'entre nous , de cet enfer . Dans le dernier cas , le deuil est interminable.  L'enfant hurlant ne cesse de s'agripper aux jupes de l'inconscient de l'adulte que nous sommes condamnés à jouer sur la scène du monde . Il conduit certains au meurtre , d'autres au suicide.

La deuxième perte à laquelle nous sommes un jour ou l'autre confrontés est la perte d'un proche .  Le bouillon de culture familial , premier terreau où germe l'attachement affectif , devient aussi le lieu de nos premiers deuils . Un parent qui part sans laisser d'adresse ( la mort représentant l'adresse la plus ultime  qui soit ), ou qui en choisit une différente, divorce oblige , nous met face à face à une béance mortifère qui happe notre besoin viscéral d'ancrage . C'est la rencontre forcée avec la première perte de repères , mais c'est aussi l'occasion d'un gain inestimable , celui de la prise de conscience de notre résilience , de notre aptitude à "faire avec" la perte et à ne pas se laisser broyer par elle .

Et de fait , cet apprentissage précoce nous donne ensuite les armes pour lutter efficacement contre les pertes à venir . Celle, inéluctable, de l'être aimé, par exemple . L'amour éternel, il n'existe que dans les contes de fées . Au XXIe siècle, les baguettes magiques ont disparu , et le récit se clôt invariablement par : " Ils ne vécurent pas heureux et eurent peu d enfants ". A cela, une explication: l'on aime toujours l'autre pour les mauvaises raisons . Parce qu il nous distrait de nous-mêmes dont nous commençons à nous ennuyer , ou parce qu'il nous rappelle notre parent réfèrent , auquel nous sommes indéfectiblement liés, pour le meilleur ou pour le pire . Et c'est pour cela que les ruptures sont toujours synonymes de déchirement , car elles sont vécues par l'enfant qui nous hante comme la plus injuste des punitions . Elles nous reconduisent sans égard  dans le cachot de notre ego et nous soumettent à un sevrage forcé d'affection .

Mais, à y bien réfléchir , le cachot n'en est pas un, et le sevrage est des plus salutaires . La solitude n'est une cilice que pour les humains qui ne s'aiment pas et qui s'incarcèrent dans un désamour réflexif . Pour les autres,  ceux qui échappent au maléfice,  la perte est perçue comme un mal nécessaire et non comme une rétribution . Ils ont compris que mieux vaut perdre l'autre plutôt que  risquer de se perdre, et qu'il n'est pas de plus grande victoire que celle de se retrouver soi-même , et renaître de ses cendres.






dimanche 24 novembre 2013


Les préfixes gréco-latins  , il y en a qu'on aime bien, et d'autres qu'on aime moins . Pour Les bipèdes que nous sommes , par exemple , mieux vaut être en mode "bi" qu'en mode "mono". Normal ! Il faudrait être maso pour aimer le monde monochrome où nous vivons , où l'on nous débite sur un ton monocorde le plus monotone des discours . On ne cesse en effet de nous rabattre les oreilles avec  le danger des monopoles , les affres des familles monoparentales , les crimes de monaniaques , et les épidémies de mononucléoses.  De sorte que vivre en solo , de nos jours , apparaît comme le plus terrible des fléaux, et que certains couples infernaux préfèrent se laisser gagner par la décomposition plutôt que de risquer l'implosion et la dispersion de leurs deux composants . 

C'est que dans notre société bien-pensante , vivre seul n'est guère vu d'un bon œil. Cela suppose des vices cachés : une homosexualité latente , une hérédité pesante, ou un comportement déviant . Si l'on s'apitoie sur le sort des specimens humains fraîchement divorcés , on ne tarde pas à suspendre l'épée de Damoclès au-dessus de leur tête s'ils ne retrouvent pas assez vite un cavalier ou une cavalière . Et l'on est même soulagé de voir que des campagnes publicitaires leur proposent des sites de rencontre calibrés.

C'est qu'ils sont chouchoutés , les infortunés éclopés de la vie . Ils en ont assez bavé, alors ils doivent vite remonter en selle et jouir à nouveau des bienfaits de la vie . Il leur tarde de reprendre goût à l'entente bilatérale, aux  promenades à bicyclette , aux voyages en bimoteur pour assister à la biennale , et aux  bains de soleil en bikini sur les plages des Bahamas . Et si l'on ne se suffit pas à deux , pourquoi ne pas tenter l'expérience à trois, vu que certains explorent la bisexualité sur le tard . 

Moi, je peux vous dire une chose , les préfixes " mono " et " bi" , je n'en veux pas .  Je suis plutôt du genre "poly" et "multi". On est mégalo, ou on ne l'est pas. J'aime le multimédia , les marbres polychromes , les gens polyvalents , les films multilingues , les robes multicolores , et surtout les religions polythéistes . C'est bien commode quand on est célibataire et qu'on ne sait plus à quel saint se vouer . Il suffit de prier Vénus pour qu'elle nous envoie son Cupidon , et le tour est joué . Si elle est occupée , on peut , en attendant , s'enivrer avec  Bacchus ou mieux encore , deviser avec la sage Athéna . Elle, au moins , si elle n'est pas sortie de la cuisse de Jupiter, elle en est sortie de son crâne. En plus , vu qu'elle est armée et qu'elle est loin d'être une écervelée  , elle saura nous protéger  et surtout nous éviter de nous enticher du premier hominidé qui nous aura été présenté.Car comme chacun sait, mieux vaut être seule que mal accompagnée!



jeudi 21 novembre 2013

Moi qui voue une passion aux paradoxes , je dois dire que je suis servie , depuis que nous naviguons sur l'océan de la mondialisation . Si notre planète est devenue un village , inversement le "village" dans lequel nous vivons est devenu une planète . Car les habitants qui le peuplent, aussi proches qu'ils puissent être de nous géographiquement , sont aussi éloignés de nous que les occupants d'une galaxie lointaine .

Prenons l'exemple de nos voisins . Connaissez-vous les vôtres ? Pas si sûr. Peut-être certaines circonstances fâcheuses vous ont-elles mis en présence de l'un d'entre eux. Un dégât des eaux , vraisemblablement, ou quelque nuisance sonore nocturne , submergeant votre désir de plonger dans cette phase de sommeil que l'on nomme paradoxal . Une chose est sûre , vous n'avez , après cela , aucune envie de les rencontrer à nouveau . Ni sur terre , ni au ciel . Et pour cause. Ils sont le miroir de la réalité humaine que vous tentez de fuir aussitôt rentrés chez vous .

En revanche, vous avez plus de mal à vous passer  de la compagnie  d'internautes invisibles, même s'ils sont trop volubiles . Après tout , vous pouvez les laisser pérorer autant qu'ils le souhaitent . Ils n'exigent de vous aucun effort . Et si vous jugez qu'ils manifestent une volonté d'ingérence un peu trop marquée dans votre vie , il vous suffit de les éliminer de votre salon virtuel en un clic . Pourquoi donc s'en priver ? Point de compte à rendre . Au diable la susceptibilité ! D'ailleurs , vous ne connaissez d'eux que ce qu'ils veulent vous montrer , et ils se gardent bien de promouvoir leurs failles.

Un de perdu , dix de retrouvés, dit le proverbe , sauf que la boulimie ambiante d'échanges, qui ne manque pas de nous contaminer, nous oriente plus vers le millier que la dizaine . Ce ne sont plus des salons virtuels dans lesquels nous causons,  mais des quais de gare . Que dis-je ! Des aéroports internationaux , car , il faut bien le reconnaître, l'on ne véhicule plus notre pensée dans notre langue vernaculaire . Il y a des lustres que cette dernière a perdu de son lustre , éclipsée par sa voisine d'outre-Manche.  Et si l'envie de communiquer avec des Lapons nous en prend, et que le gap langagier devient trop difficile à combler , reste le recours aux pictogrammes , plus connus sous le nom d'emoticons , ou , pour les plus sophistiqués , d'emojis.

Mais la multiplicité des échanges et des langages ne peut masquer une vérité unique. Quand bien même nous converserions avec les trois quarts de la planète  , nous n'en serions pas moins acculés à une solitude sidérale devant nos écrans numériques. Repliés dans un confort fœtal , aspirant à redevenir des  embryons , nous nous croyons  immergés dans la matrice maternelle alors que nous nous asphyxions dans la Matrix virtuelle . Malraux avait raison : " Le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas ", à ceci près que le Dieu que nous avons choisi ne nous relie pas entre nous , mais nous lie inextricablement à nous-mêmes , et nous condamne à vivre dans un néant relationnel des moins salutaires.

dimanche 17 novembre 2013

mardi 12 novembre 2013

On nous parle de la croissance exponentielle des divorces dans notre capitale . Les statistiques l'attestent . Ouvrir un cabinet d'avocat spécialisé dans le droit de la famille devient , dès lors , une affaire fort rentable . En effet , les candidats au divorce ont généralement l'imprudente impudence de demander des comptes  au conjoint désireux de rompre l'hymen . On les comprend . Perdre son statut d'époux ou d'épouse dans notre société conservatrice , cela demande réparation. Les duels étant proscrits , il ne reste à l'époux bafoué qu'à  confier aux ténors du barreau  la mission de venger l'opprobre .  Or certains groupes de réflexion , sans doute émus par la faillite de cette institution sacrosainte ,  ou plus vraisemblablement attirés par l'appât du gain , ont trouvé une solution infaillible pour parer à ces déballages obscènes de vie commune lors des audiences juridiques. Et voilà que les sites de rencontres extra-conjugales ont vu le jour !

 Jusqu'à présent , les sites de rencontre ne visaient qu' un public bien particulier , celui des  célibataires fraîchement  largués de préférence , et comptant bien ne plus le rester en quelques clics . Il est vrai que les photos  des impétrants au titre de compagnon ou compagne idéals ont de quoi laisser rêveur. Il faut séduire à tout prix , donc tous les moyens sont bons pour gommer sillon nasogénien, nez aquilin , ou calvitie naissante . La fée Photoshop s'avére une alliée de choix . Un coup de baguette magique et vous voilà doté(e)d un physique de jeune premier ou de belle ingénue du bal des débutantes . Mais bon,le grand saut du virtuel au réel , il faut bien le faire un jour . Adieu veaux , vaches , cochons , disent certaines. Enfin , pas les cochons , vu qu' il faut bien le dire , la majorité des membres masculins de ces sites n'ont en tête que la satisfaction de leur instincts les plus vils . Et ce mince détail n'a pas échappé à l'attention de certains observateurs , soucieux de redorer le blason du mariage , ou du moins de ternir celui du divorce .

Pourquoi risquer de perdre sa chemise dans des procédures juridiques coûteuses , alors qu'il suffit juste de la retirer , et rouler des mécaniques devant une complice trop contente de raviver une libido en berne ? Après tout , les deux partenaires n'ont en tête que la préservation de leur couple respectif . Ils œuvrent pour le bien de leur conjoint cocu , tout en se faisant du bien par la même occasion. Tout le monde y trouve son compte . La discrétion est assurée . Plus de péril en la demeure , le démon de midi n'est plus diabolisé , et la crise de la quarantaine , évitée . Certains hôtels ont même saisi l'opportunité au vol et conçu des forfaits d'occupation des chambres pour "rendez-vous coquins". Ils proposent ainsi aux tourtereaux de passer quelques heures à roucouler en toute impunité . Après quoi les infidèles se séparent et  retournent , la conscience tranquille, dans leur logis ,  jouer à l'époux ou à l'épouse irréprochable .

Ne nous abusons pas . L'adultère a existé de tout temps . Qui n'a entendu parler du droit de cuissage intronisé à l'époque médiévale ? Qui n' a eu vent de l'existence des maisons closes , ou , pour parler plus vulgairement , des bordels ? Et les clubs libertins , parlons-en. Il paraît qu'ils jouissent d'un prestige grandissant auprès de certains mâles ou femelles concupiscents . Mais enfin,  convenons-en , les doubles vies n'ont rien de bien glorifiant . Et les adeptes de cette pratique finissent , un jour ou l'autre , par payer un lourd tribut à leur penchant pour la dissimulation.   C'est en pâture que ces monstres lubriques  sont livrés à des avocats cupides et la vindicte populaire se charge de réduire à néant leur réputation .



vendredi 8 novembre 2013

Il y a certains livres que l'on n'a jamais envie de terminer tellement l'on aime s'y calfeutrer pour échapper aux tumultes de la vie. Il y en a d'autres que l'on n'a jamais envie de terminer car l'on en connaît déjà la fin , et qu'elle nous chagrine . Petite fille, je m'enfuyais quand ma mère abordait le dernier chapitre du Petit Prince . J'ai grandi depuis , mais je refuse toujours de le lire .

C'est que j'en étais amoureuse , du Petit Prince. Il me rendait le sourire , lui et ses histoires de mouton dans le désert . Et puis son entêtement à toujours vouloir  poser des questions me rappelait le mien . Je n'étais plus seule au monde . Un petit garçon aux cheveux couleur d'or , venu d'une étoile lointaine, voulait, lui aussi, percer le mystère des hommes .

Il en avait déjà rencontré , des hommes , sur d'autres planètes, après avoir quitté la sienne  . Un monarque , un vaniteux, un allumeur de réverbères et un géographe , entre autres.  Mais ce n'étaient pas des hommes intéressants . D'autant qu'ils ne lui accordaient  pas grande attention . Ils étaient trop occupés à s'adonner à des activités incompréhensibles . Certains en avaient même perdu le sens commun.

 Alors le petit prince  a pris son courage à deux mains et a tenté sa chance en visitant la Terre . Là , en plein désert , il a enfin trouvé une grande personne qui avait conservé son âme d'enfant . Et il lui a raconté son histoire . Son amour pour une rose coquette et pour les couchers de soleil ; sa manie de déraciner les baobabs et de ramoner les volcans . Sa rencontre surtout avec un renard pas comme les autres. Un renard qui s'est laissé apprivoiser et qui lui a confié un  secret inestimable .

Voilà. Je ne peux pas en dire plus . Je n'ai jamais voulu entendre la suite . Elle est trop triste, paraît-il, et je ne veux pas grandir .  Une chose est sûre cependant .  Quand la nuit tombe et que le ciel se paillète d'or , je ne manque jamais de  regarder les étoiles . Car je sais qu'il est sur l'une d'elles , qu'il a retrouvé sa rose et qu'ils  contemplent tous les deux , en amoureux , des couchers de soleil fabuleux.

jeudi 7 novembre 2013

Dans la communauté des héros intergalactiques , Albator jouit d'un statut particulier : Il est l'incarnation du héros ambivalent. S'il consacre sa vie à éradiquer le mal , il n'en demeure pas moins un pirate, dont l'emblème favori est la tête de mort .

Heureusement pour nous , il se démarque physiquement de l'archétype du corsaire unijambiste à la barbe hirsute . Par sa morphologie exquise , il nous séduit  . Son corps élancé , ses cheveux mi- longs, sa longue cape noire et son sabre de samouraï lui confèrent une élégance toute aristocratique . Même sa balafre et le bandeau de soie noire qui pointe sa borgnitude lui apportent un supplément de distinction .

C'est qu'il est de la race des seigneurs . Le trône médiéval sur lequel il règne et son majestueux vaisseau spatial trahissent son goût pour le raffinement . Il n'est pas un homme comme les autres. C'est un esthète . Et les créatures qui l'entourent reflètent son penchant pour le beau . Que ce soit Esméralda  ou Nausica,  les personnages féminins dans son ombre  sont dotés d'un pouvoir de séduction indéniable .

Même ses ennemies sont des êtres envoûtants. On ne peut manquer de tomber sous le charme de ces sylvidres filiformes  aux yeux luminescents. Elles ont le regard pétrifiant  de la Gorgone  Méduse  et sont aussi impitoyables que  les Parques qui coupent les fils de la destinée humaine . Car seule une froideur de glace se lit sur leur front d albâtre . Somme toute , elles incarnent la féminité dans tout ce qu'elle a de castrateur .

Face à elles , il sait tenir la barre . C'est un capitaine de navire aguerri qui a essuyé beaucoup de tempêtes dans sa vie . A commencer par la mort de sa bien-aimée . Son cœur en porte la cicatrice éternelle . Héros romantique par excellence , Il ne se résout pas à faire le deuil .  On lui pardonne dès lors son mutisme , et son inclination pour la solitude . C'est un homme blessé , et par là-même fragile.

C'est pour cela qu 'il fait notre conquête si facilement . Il n a pas besoin de faire montre de prouesses verbales pour gagner notre amour . Nous sommes toutes acquises à sa cause . Car l'on sait trop ce que la perte d'un être cher génère comme douleur . Alors on fait corps avec lui dans son combat contre les forces maléfiques de l'univers . Et surtout dans son combat contre la part d'ombre qui est en lui , qui est en nous . Car , ne le nions pas  , nous portons tous une balafre à notre âme , et nous hissons inlassablement , chaque jour , le pavillon de l'espérance au mât de notre vie .