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samedi 20 février 2016




Il y a toujours un peu de la Marquise de Merteuil et de la Présidente  de Tourvel en nous . Les Liaisons Dangereuses , c'est peut-être l'enfer de nos bibliothèques, mais c'est aussi notre paradis . C'est quand même mieux que le délire platonique de la Princesse de Clèves . Surtout quand les années d'une conjugalité anesthésiante ont mis à mal nos idéaux. On vise plus haut que la survie : on veut enfin vivre !

Certaines d'entre nous, partisanes des solutions radicales, brisent  alors leurs chaînes et se lancent à corps perdu à l'aventure sur les man's lands inconnus. D'autres, moins effrontées et surtout plus vénales, n'osent pas lâcher la proie pour l'ombre et flirtent avec l'adultère dans des Love Hotels où, de love, il n'y a que le nom. Jusqu'au jour où l'amour-propre de leur mari leur fait payer au prix fort les souillures qu'elles ont infligées à son nom.

Chez Laclos , si Tourvel meurt d'avoir goûté à  ce qu'était vraiment l'amour, Merteuil s'enterre dans un couvent pour avoir fabriqué cet amour de façon contre-nature. Quant au divin vicomte , il périt tout autant en victime qu'en bourreau. Victime , car il a sous-estimé les élans de son coeur; bourreau , car il  a brisé le cœur pour laquelle , cependant , le sien , de coeur,  battait .

Faut-il pour autant vouer la marquise aux gémonies , et pleurer sur la tombe de la présidente? Merteuil avait un coeur elle aussi . Mais elle avait trop d'orgueil pour le  laisser régner sur son esprit . Pire encore , elle aimait un libertin , qui , cruelle ironie , s'éprit de celle qu'elle avait projeté de perdre.

Qui pourrait la blâmer d'avoir voulu panser ses plaies en visant une dévote sacrifiant sa vertu sur l'autel de la chair? Ne vivait-elle pas en un siècle où les femmes n'avaient pas leur mot à dire ? Pour exister au siècle des Lumières, le sexe faible devait agir dans l'ombre des alcôves . La veuve noire tissa sa toile, et l'épouse adultère tomba, comme une mouche .

Même si nous ne vivons plus à l'ère de la raison triomphante mais à celle de la déraison collective , nous sommes néanmoins assujetties aux diktats de notre raison, aussi perverse soit-elle. Car les ressources de notre esprit sont notre seul garde-fou contre les aléas des affects qui gouvernent nos vies intimes. Nous sommes toutes, tour à tour, des Tourvel extasiées et des Merteuil blessées. La raison en est que nous avons  un coeur , et qu'il finit toujours par nous terrasser si nous le laissons parler ...

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